Il y a quelques jours de cela, nous avons reçu une belle surprise : un courrier électronique de la part de cet auteur nous disant tout le bien qu’il pensait du diptyque de Connie Willis !
Pour ceux qui l’ignorent, Michel Jeury est l’un des très grands noms de la science-fiction française. On lui doit notamment Le Temps incertain, Aux Étoiles dus destin, L’Univers-ombre, plus de quarante autres romans et un grand nombre de nouvelles. Autant de récits qui l’ont imposé comme l’un des chefs de fil du genre, dans les années 1970.
Michel est un auteur pour lequel nous avons énormément de respect. C’est d’ailleurs pour cela que Bragelonne s’évertue à rééditer l’ensemble de son œuvre sous forme numérique. Les collections Brage (nouvelles) Bragelonne Classic (qui parle pour elle-même) comprennent déjà un certain nombre de ces écrits. Pour en savoir plus, cliquez ici.
Nous avons donc été ravis de recevoir son avis sur notre dernier coup de cœur en matière de SF. Nous partageons avec vous les mots du maître…
Sans doute une des meilleures fictions que j'aie jamais lue. Pour moi qui ai dévoré des dizaines de livres sur la bataille d'Angleterre et des centaines d'articles sur le blitz et le black-out, je suis en pays de connaissance. (Il y a eu aussi le black-out en France occupée, les phares des gazogènes et parfois des vélos peints en bleu, les rideaux tirés, etc. Et des bombardements, exploités par Vichy, qui ont fait beaucoup de morts et se sont révélés très utiles à la propagande de Vichy… Ces bombardiers amis-ennemis, c'était quelque chose d'étrange, que les Anglais, eux, n'ont pas connu. On a eu très peur aussi au moment où les "armes secrètes", V1, V2 tombaient sur l'Angleterre, et où d'autres, bien plus terribles, étaient annoncées.)
Quant au récit, quelle merveille ! Même si ces allées et venues incessantes dans l'espace et le temps ne sont pas toujours faciles à suivre. En tout cas, je ne me suis jamais senti perdu. J'ai encore de solides repères, malgré ma mémoire en compote. Et j'ai aussi travaillé sur les avions de l'époque pour mon roman Le printemps viendra du ciel. Inutile de dire que j'attends la suite de Black-Out avec patience et impatience.
Je viens de finir cette suite, All Clear. Je suis abasourdi, sidéré, émerveillé. Ce deuxième volume est encore meilleur que le premier… si c'est possible. La fin est parfaitement réussie, ce qui est très rare. Je suis obligé de refréner mon enthousiasme pour qu'on ne m'accuse pas d'exagérer. Je ne vais donc pas écrire "c'est le meilleur roman de SF que j'ai jamais lu". Plus modestement, je dirai que je place le dernier Connie Willis au niveau des plus grands "classiques" : Demain les chiens, Le Vagabond, Le dieu venu du Centaure… au-dessus de Dune. Je dois remonter soixante ans en arrière dans ma vie pour trouver un choc de lecture comparable, et hors de la science-fiction.
Je meurs d'envie d'écrire une nouvelle pour prolonger la magie de cette lecture. Une nouvelle en hommage à Connie Willis, bien sûr, et dédiée aussi à la traductrice Joëlle Wintrebert, excellente et même un peu plus. Les lecteurs, comme les "sondeurs" de Cordwainer Smith, vivent quelquefois en vain. Eh bien, j'ai eu la chance de vivre jusqu'à presque 80 ans pour me repaître de ce chef d'œuvre !
Amitiés à tous.
Michel Jeury
