Notre dernier entretien de l'année ! Cette fois, c'est l'auteur de Corvis Rebaine, l'une de nos nouvelles séries, qui s'est prêté au jeu dans le dernier numéro de Neverland. En voici la retranscription complète.
altFan de jeux de rôles de très longue date, Ari écrit des romans de Fantasy depuis l'université, « mais rien d'assez bon pour être publié à l'époque », de son propre aveu. Fraîchement diplômé d'un atelier d'écriture, il a travaillé quelques années comme auteur indépendant dans le milieu du jeu de rôle… et notamment pour Dungeons & Dragons, mais aussi pour Vampire : La Mascarade. Il a écrit plusieurs romans liés à des JDR avant d'écrire L'Ombre du conquérant, son premier roman original.



L'Ombre du conquérant nous replonge dans une Fantasy guerrière un peu oubliée, du moins en France. Quel était votre but en écrivant ce roman ?

Raconter une bonne histoire avant tout. Ça va sans dire. J'ai grandi en lisant nombre des auteurs qui, à mon humble avis, ont aidé à construire l'He­roic Fantasy durant la période moderne ou post-Tolkien : Eddings, Feist et les autres. Je suis donc un grand amateur du genre. Mais je ne voulais pas me contenter d'imiter mes prédécesseurs. Dans mes romans, et L'Ombre du Conquérant ne fait pas exception, j'aime exploiter les clichés, les lieux communs de la Fantasy et les approcher d'une manière différente et originale. Ainsi, ils restent reconnaissables pour les lecteurs de fantastique, tout en prenant un coup de jeune… enfin j'espère.

Dans le cas de Corvis Rebaine, le personnage se présente au début du livre comme l'archétype du chevalier noir, la sombre silhouette en armure à la solde d'un Mal triomphant. Cet archétype est présent dans d'innombrables romans de SF et de Fantasy. En revanche, il est moins courant de découvrir ce qui se passe après l'heure de gloire de ce genre de personnage, quand ses conquêtes lui ont échappé et qu'il veut qu'on le laisse en paix. En explorant cette piste et en le confrontant à un Mal encore pire, j'espère avoir fourni une nouvelle version, ou du moins une version plus originale, de ce concept.


Et comment tout ça vous est venu en tête ? Du moins, l'idée première ?

De manière très organique, pour celle-là. Je déjeunais avec ma femme, quand « ancien-chef-de-guerre-maléfique-sortant-de sa-retraite-pour-affronter-quelqu'un-d'encore-pire » est apparu dans ma tête. Tout le reste vient de ce noyau. Quand j'ai commencé à développer le concept du roman, je savais que la personnalité de Corvis devait être élaborée avec soin. Cet homme avait commis des actes atroces par le passé, des choses impardonnables pour la plupart des lecteurs. Il devait rester crédible à ce sujet, tout en défendant assez de valeurs positives : l'amour pour sa famille et une véritable conviction que ses actes contribuèrent à créer un monde meilleur. J'ai construit sa personnalité en partie pour déterminer quel genre d'homme pourrait être coupable de tels actes tout en voulant honnêtement ce qu'il y a de mieux pour les siens.

Par certains côtés, Corvis est une sorte d'avertissement. Il illustre ce qu'un homme avec du pouvoir peut faire. Mais il y a aussi une part de fantasme personnel : je suis sûr que nous sommes nombreux à avoir rêvé d'obliger les hommes politiques à faire ce que nous croyions juste. Bien entendu, je ne veux pas dire que nous devrions avoir ce pouvoir, ou que nous commettrions des atrocités pour y parvenir. Je veux juste dire que nous sommes nombreux à comprendre d'où vient ce désir. Enfin, j'ai construit ce personnage pour qu'il soit capable d'épouser la base de l'histoire. Mais au final, il est avéré que certains aspects du roman soient liés à son histoire personnelle.

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Quels sont vos auteurs favoris ? Ceux qui vous ont inspiré ? 

J'ai déjà évoqué Eddings et Feist. Je suis aussi un grand amateur de Steven Brust, et surtout de sa série Vlad Taltos. J'ai découvert David Gemmell assez tard dans ma « carrière » de lecteur de Fantasy, mais j'adore son style. Et quand je veux de la lecture plus légère, plus divertissante, je me tourne vers Simon R. Green. Et j'adore de nombreux auteurs publiés récemment chez Pyr Books et Angry Robots, deux maisons d'édition américaines assez récentes.


Et maintenant, la ques­tion piège : vous pourriez nous résumer votre roman en trois mots ?

Trois mots ? La vache ! Je pourrais proposer « nuances de gris », qui était d'ailleurs le titre provi­soire du livre. Ou alors « tout est relatif ».


Qu'est-ce que vous pouvez nous révéler sur la suite de la série ?

Avec The Warlord's Legacy, j'essaie de représenter les conséquences des actions de Corvis à la fin du premier tome. Malgré son expérience, Rebaine garde encore une certaine part de naïveté dans son analyse des gens. Je voulais montrer comment et pourquoi ses actes pouvaient avoir des résultats imprévus. Sans gâcher le suspense, je dirais que ses choix ont des conséquences, et que Corvis ne commence pas le second tome dans un endroit aussi agréable qu'il l'aurait aimé à la fin du premier.


Et quels sont vos autres projets ?

Pyr Books vient de publier un autre de mes romans : The Goblin Corps. C'est une histoire d'Heroic Fantasy classique, mais écrite du point de vue des méchants. Si Corvis est un personnage tout en nuances, ou un anti-héros, les protagonistes de The Goblin Corps sont des êtres malfaisants jusqu'à la moelle. Ce roman est plus amusant et satirique que L'Ombre du Conquérant, mais il est aussi plus sanglant. Quelqu'un en a parlé comme de la rencontre entre Tolkien et Tarantino.

L'année prochaine, Pyr publiera Thief's Covenant, mon prochain roman de Fantasy, plutôt destiné à un lectorat de jeunes adultes, mais qui pourrait aussi plaire aux lecteurs plus âgés. D'habitude, la Fantasy traditionnelle se déroule dans une version fictive du Moyen Age. Dans Thief's Covenant, nous évoluons plutôt à la Renaissance. À la différence des deux autres livres, le personnage principal est fondamentalement bon. C'est un voleur, mais un gentil voleur. Je ne sais pas si un éditeur français s'est déjà intéressé à l'un de ces deux titres, mais j'en serais enchanté. J

En parallèle, j'ai envoyé à mon agent un autre projet de roman fantastique se déroulant dans le Chicago des années 30. Je suis aussi sur le point de commencer un autre livre dérivé d'une œuvre que je n'ai pas encore le droit de citer. Et après tout ça ? J'ai assez d'idées pour me dire que le plus difficile sera d'en choisir une précise.

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