altSalut, Brent. Comment allez-vous depuis la dernière fois où l'on s'est vu, au Salon du Livre de Paris 2010 ?

Je suis très occupé ! Après L'Ange de la Nuit, j'ai décidé d'écrire quelque chose de radicalement différent. Je ne voulais pas rester coincé avec des histoires de ninjas pour les trente prochaines années. Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : les ninjas sont géniaux, mais je voulais changer de thème. Me mettre à inventer un monde entièrement nouveau au moment même où ma carrière explose est un défi très excitant, et c'est un euphémisme !


Vous venez de le dire, la série du Porteur de lumière diffère énormément de votre première œuvre. Comment expliquez-vous pareille évolution ?

Je ne voulais pas être catégorisé. Quand j'ai écrit L'Ange de la Nuit, j'ignorais que cette ambiance sombre deviendrait une mode. J'ai bossé six ans presque en ermite sur ces livres, et je les ai écris comme je sentais que cela devait se faire. Kylar, Durzo et Mamma K sont des tueurs et des putes. Ce genre de personnage demande un certain style, un niveau de langage et une noirceur de ton qui correspondent à leur vie, et j'espère avoir réussi à restituer tout ça. Mais je ne voulais pas non plus être obligé d'écrire des romans sombres pour le reste de ma vie. Les personnages qui ne sont pas des criminels ignorants ne parlent pas de la même manière. Ceux qui grandissent dans des petites villes ou des zones rurales ne voient pas la vie comme ceux qui grandissent dans des taudis.


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Illustration de


Les personnages aussi sont très différents des héros de votre première série. Gavin, par exemple, semble être un leader bon et parfait. Pourtant, on lui découvre vite de nombreux secrets. Comment l'avez-vous modelé ?

Si je vous révélais comment j'ai créé Gavin Guile, je gâcherais malheureusement certaines surprises que je garde en réserve pour l'avenir de ce personnage. À chaque fois que j'écris un livre, je m'impose des défis pour élaborer certains personnages.

Dans La Voie des Ombres, ces défis restaient très basiques. Je voulais écrire une aventure épique tournant autour d'un personnage central, un peu à la James Bond, avec une conscience en plus. Dans Le Choix des Ombres, je voulais voir si je réussirais à développer un personnage mort et si je parvenais à faire aimer et soutenir à la fin du roman quelqu'un qu'on haïrait au début. Et dans Au-Delà des Ombres, je voulais réussir à écrire la déchéance d'un héros d'une manière entièrement logique et pousser les lecteurs à n'accepter que difficilement l'idée qu'il n'était plus un gentil.

J'aime à penser que les défis que je me suis imposé dans Le Prisme noir sont au moins aussi difficiles. Mais vraiment, si je vous en révélais la nature, je gâcherais aux lecteurs quelques coups de théâtre qui restent dans ma manche.

La Voie des ombres (L'Ange de la nuit - tome 1) de Brent Weeks ; illustration de Frédéric Perrin     Le Choix des ombres (L'Ange de la Nuit - tome 2) de Brent Weeks ; illustration de Frédéric Perrin     Au-delà des ombres (L'Ange de la Nuit - tome 3) de Brent Weeks ; illustration de Frédéric Perrin

La trilogie de L'Ange de la Nuit,
dans son édition grand format, chez Bragelonne.


Le système de magie dans Le Prisme noir est aussi simple que détaillé. Est-ce le résultat d'une longue étude, ou une idée sur laquelle vous travaillez depuis longtemps déjà ?


Les deux ! Je voulais que ce système soit aussi simple et vaste que la science. Comme vous le dites, l'idée de base est élémentaire. Grâce à un procédé que nous connaissons, nous arrivons à transformer une bougie en lumière et en chaleur. Et si c'était tout le contraire avec la magie ? Et si les différentes couleurs de la magie pouvaient se transformer en différentes substances, chacune douée de sa propre masse, sa propre résistance, son odeur, et d'autres propriétés ? En creusant cette idée et en étudiant la véritable science de la perception des couleurs, la relation entre une culture et la théorie chromatique, le système de magie a continué à se développer sous mes yeux. C'est devenu un terrain de jeu pour moi mais aussi une boîte à outils, et j'espère que c'est également le cas dans l'imagination des lecteurs.



Vous êtes un auteur chevronné à présent. Quel regard portez-vous sur la Fantasy moderne ? Avez-vous remarqué une évolution depuis l'époque où vous avez commencé à écrire ?

J'ai bien peur de n'avoir qu'une vision limitée. Je ne suis publié que depuis trois ans, et avec tout le boulot que me demande l'écriture du prochain livre, j'ai sûrement moins de connaissance du milieu que des gens comme vous, des gens qui travaillent dans l'édition et qui lisent énormément. Durant les trois ou quatre dernières années, j'ai surtout vu de jeunes auteurs quitter l'ombre de leurs prédécesseurs. Dans ma petite niche, Brandon Sanderson, Patrick Rothfuss, Peter V. Brett et Joe Abercrombie sont devenus des chefs de file. Dans les années à venir, de nombreux nouveaux auteurs comme Daniel Abraham et bien d'autres pourraient bien rejoindre ce courant. Et je pense que des auteurs comme Nnedi Okorafor ou Hannu Rajaniemi repoussent sans cesse les frontières de la SF en se demandant ce que l'on peut encore inventer. Puisque George R.R. Martin est toujours aussi bon, et qu'on trouve d'autres étoiles montantes de l'écriture, je crois bien qu'on pourrait atteindre un nouvel âge d'or.


Vous avez eu très peu de temps pour écrire L'Ange de la Nuit. Qu'en est-il de cette nouvelle trilogie ?

Je crois que j'ai échangé une forme de pression pour une autre. Quand j'écrivais l'histoire de Kylar, je ne savais pas si ça intéresserait quelqu'un. Et même si les livres sont sortis rapidement, j'ai quand même mis quatre ou cinq ans à les écrire. À l'époque, je m'inquiétais surtout de savoir comment j'allais payer les factures et quand j'allais devoir arrêter d'écrire pour me trouver un vrai boulot. Après le succès de L'Ange de la Nuit, j'ai troqué la peur de n'intéresser personne contre celle d'intéresser trop de monde ! J'ai reçu des tonnes d'e-mails, et j'en reçois toujours, me demandant quand mon prochain livre sortira ? Pourquoi prend-il tant de temps ? Nous faisons régulièrement le point avec mon éditeur, je mets à jour mon site, je communique aussi sur Twitter, Facebook et Google+. Je donne des interviews, je voyage, et je réponds à des tonnes et des tonnes de courriels. Et en plus de tout ça, je dois apprendre à écrire plus vite, toujours plus vite. Vivre de sa plume est un énorme privilège, et l'accomplissement d'un rêve, mais même les rêves et les privilèges ont un prix.


Et maintenant, la question piège : résumez votre livre en trois mots.

Achetez-le maintenant !

Ou, si vous préférez, pour les anglophones : ass-kicking fun !


Enfin, quels sont vos projets actuels ?

Je finis les dernières scènes de The Blinding Knife, la suite du Prisme noir. Même si mes lecteurs détestent attendre, j'ai obtenu plus de temps pour ce livre, et il sortira en septembre 2012. La version française devrait suivre assez vite.

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