Par Paul Herbert (Twitter) avec des illustrations et des citations de Hubert Griffe (Tumblr, Twitter, Instagram)

A l’origine de tout bon roman de Fantasy il y a un manuscrit. C’est encore plus vrai pour Le Fléau des Rois de Jenn Lyons, le premier tome du Choeur des Dragons, une série de romans de fantasy qu’on a la chance de pouvoir vous faire découvrir et dont le premier tome est déjà sorti en librairie (retrouvez-le ICI). Ce premier tome n’est pas un simple roman, c’est un manuscrit destiné à une personne qui répond au nom de «votre Majesté» et qui relate les événements troublants qui ont déstabilisé l’Empire Quur.

 

Au milieu des troubles qui agitent la cité-capitale de Quur, il y a Kihrin, un jeune garçon de 15 ans, voleur, apprenti ménestrel, noble sans le savoir et esclave (oui, oui, tout ça à la fois). Le garçon est retenu captif, une créature étrange aux pouvoirs confondants le surveille. Le garçon va mourir, autant consigner les détails de sa vie avant qu’elle ne soit déliée mais pour cela, il doit la raconter. Le Fléau des Rois c’est en grande partie la retranscription de la conversation entre Kihrin, notre presque héros et la créature qui le surveille. Ils racontent chacun à leur tour une partie de l’histoire de la vie de Kihrin.

Mais si Kihrin et sa geôlière sont les narrateurs du Fléau des Rois, ils ne sont pas ceux qui en assurent la postérité. Ce rôle incombe à un troisième personnage, un observateur avisé qui retranscrit cette histoire. Tel un érudit copiste, Thurvishar D’Lorus - oui c’est son nom - rapporte cette conversation. Et au gré des pages il sème ses propres observations sous forme d’annotations qui constellent le roman. Ce n’est donc pas un simple roman que vous avez entre les mains, lorsque vous prenez Le Fléau des Rois, c’est la fonte entremêlée de trois visions différentes qui s’affrontent, se complètent et se complimentent pour tisser une tapisserie vaste et complexe : notre livre-manuscrit !

Vient alors une idée, un peu folle... Et si, Thurvishar D’Lorus n’était pas seulement le transcripteur de cette histoire mais son enlumineur providentiel : à quoi ressembleraient donc les pages de ce manuscrit ? A Bragelonne l’idée était trop séduisante pour qu’on n’essaie pas de la mettre en pratique. On est donc allé voir Hubert Griffe, un illustrateur de mondes sombres et fantastiques, de créatures belles et dangereuses et on lui a demandé de nous faire six pages de ce manuscrit telles qu’elles auraient pû naître sous la plume et les outils de Thurvishar.

Hubert Griffe s’est donc attelé à la tâche et il s’est tout de suite mis dans la peau de ce personnage observateur. “Quand je lisais le livre, j’essayais de me mettre à la place du narrateur et de me demander ce que Thurvishar pourrait voir, ou pourrait penser à travers ces dessins, face au récit qui lui était livré”, nous a-t-il dit. Et pour vraiment donner l’impression que ces pages étaient directement arrachées du manuscrit de Thurvishar, Hubert a choisi d’aller au plus prêt du réalisme, avec un papier très spécial utilisé pour ces illustrations : “je voulais que ça ait un véritable côté parcheminé, pas forcément une simulation, et il s’est avéré que j’ai retrouvé ce vieux bouquin de 1670 dont presque la moitié était vierge, donc je me suis servi dedans. Ce qui est marrant c’est que c’était un journal en fait d’un de mes aïeux, je trouvais ça tellement intéressant par rapport à cette idée de journal ou de carnet personnel, de le faire sur un vrai carnet d’époque”.

 

Vous allez donc pouvoir découvrir les six pages réalisées par Hubert Griffe telles qu’elles auraient pû être dans le manuscrit relié du Fléau des Rois écrit et illustré par Thurvishar. Elles ont chacune un sujet un peu différent, pour rendre compte de la richesse de l’univers du livres et présenter la plupart de ses aspects : les créatures, les personnages, les objets et les lieux.

 

La Pierre des Entraves et le Gaesh de Kihrin

“Je savais ce qu’il brandissait : un faucon d’argent, noirci par les embruns. Un morceau de mon âme emprisonnée dans le métal. Mon gaesh.”

Récit de Kihrin, Le Fléau des Rois de Jenn Lyons

 

 

Dans l’univers du Fléau des Rois, les objets ont une âme, parfois même très littéralement. Tous les objets que l’on rencontre dans le livre ont une essence qui peut être transformée pour créer des talismans, les pierres T’sali sont faites avec l’âme de personnes sacrifiées et les gaesh, des pendentifs qui retiennent l’âme d’une personne donnent libre court aux plus vils penchants humains. L’esclavage fait rage dans le monde connu du Fléau des Rois, semant dans son sillage horreur et désespoir. Kihrin est un esclave à gaesh, à ce titre, il porte à son cou son gaesh, un pendentif qui contient une partie de son âme et qui le lie à son maître. Tout ce que le maître ordonne il se doit de le faire, sous peine de mourir en refusant. Quand à la Pierre des Entraves, elle est d’une grande importance, c’est tout ce que l’on peut dire de peur de vous gâcher les secrets du livre. 

Hubert Griffe : “Si j’ai choisi la Pierre des Entraves et le Gaesh de Kihrin c’est que ce sont deux objets qui ont un fort lien entre eux, et un fort lien avec la Maison D’Mon. Il y a également un petit easter egg qui fait référence à un des passage du livre dans le choix de la couleur des auras d’un de ces deux objets, je vous laisse le trouver.”

 

Le Prince Démon Xaltorath

“Le démon baissa les yeux sur l’adolescent et sourit. Ses dents blanches étaient acérées, irrégulières, et beaucoup trop nombreuses: elles saillaient de sa bouche comme des asticots sortant d’une plaie.”

Récit de Serre, Le Fléau des Rois de Jenn Lyons

 

 

Il y a des destins pires que la mort dans le monde Kihrin et il y règne des forces qu’il ne vaut mieux pas déranger. Parmi ces forces, on peut compter les Princes Démons. Dans Le Choeur des Dragons, les démons sont des créatures changeantes qui peuvent prendre différentes formes selon qui les invoque et selon leurs humeurs. Ce sont des créatures dangereuses, parmi lesquelles Xaltorath se distingue par sa malice. C’est le Prince Démon de la luxure et de la guerre. 

Hubert Griffe :Pour Xaltorath, je me suis inspiré des mythes japonais et des Yokai dans son design général. Quand j’ai lu sa description, j’essayais de l’imaginer comme ça, avec une apparence qui sort de celle qu’on donne traditionnellement aux démons. Les descriptions de Jenn Lyons m'évoquent aussi beaucoup celles qu’on retrouve dans les images bibliques ou les représentations de l’enfer de Dante ou de Bosch. Pour le design de Xaltorath, j’avais envie de me laisser un petite fenêtre d'interprétation personnelle, tout en respectant scrupuleusement la description de l’autrice. Je voulais aussi représenter son échelle vis à vis d’un humain (le petit cadavre a ses pieds), comme c’est un démon qui change constamment de taille (il est dit qu’il ne cesse de croître jusqu'à atteindre la taille d’un immeuble.)”

 

Tyentso, la sorcière des mers du “Malheur”

“C’était une femme sombre et maigre à l’allure d’épouvantail [...] Elle s’était emparée de la crainte superstitieuse qui habitait les gens à l’évocation d’une sorcière et la portait tel un diadème.”

Récit de Kihrin, Le Fléau des Rois de Jenn Lyons

 

 

Le Fléau des Rois développe toute une galerie de personnages plus ensorcelants les uns que les autres. On a déjà évoqué Kihrin le voleur au grand destin, sa geôlière et Thurvishar mais s’il est un personnage qui joue un rôle d’importance dans le livre et dans le destin de Kihrin, c’est bien Tyentso, la sorcière des mers du “Malheur”. 

Hubert Griffe : “Kihrin, sans Tyentso, ne serait rien. Pour moi, Tyentso, c’est presque le personnage principal du livre. Elle est très intelligente, c’est un personnage que j’aime beaucoup. Dans Le Fléau des Rois, les personnages féminins sont vraiment intéressants et importants, parfois plus que les hommes finalement, et je voulais mettre en avant l’une d’entre elles. J’avais également une image très précise et détaillée de Tyentso dans ma tête dès la lecture.”

 

 Le Vieil Homme 

“Tandis que je chantais, l’île s’ouvrit et s’ébroua pour chasser la poussière accumulée durant ses années de sommeil. Sa tête, longue et sinueuse, était une masse de muscles et de tendons qui saillaient et se mouvaient sous une peau écailleuse, terne et marbrée. Ses ailes, une fois déployées, semblaient recouvrir le ciel.”

Récit de Kihrin, Le Fléau des Rois de Jenn Lyons

 

 

Des créatures extraordinaires peuplent le monde du Fléau des Rois, dont la majesté n’est éclipsée que par la peur qu’ils font naître chez ceux qui les croisent. Parmi ces créatures il y a le Vieil Homme, une créature si grande et si colossale qu’on pourrait la confondre avec une île quand elle dort au milieu des eaux. C’est un dragon, mais un dragon un peu différent de ceux qu’on rencontre souvent dans les pages de nos ouvrages préférés de Fantasy… C’est un dragon qui aime bien les jardins.  

 

Hubert Griffe : “J’aime beaucoup cette idée que le Vieil Homme soit un dragon colossal, pratiquement de la taille d’une montagne, ça change un peu des dragons qu’on a l’habitude de croiser et qui sont plutôt de la taille d’une vouivre. C’est pour ça aussi que j’ai voulu le représenter différemment. J’avais envie de lui faire une morphologie serpentiforme, plusieurs fois il est dit dans le roman qu’il s’enroule dans ses anneaux.  Il est lié aux serpents notamment par son île. Et puis ça donne aussi une petite référence au dragon japonais (il y a beaucoup de références à certaines esthétiques japonisantes dans ces dessins finalement)… Pour le détail de sa tête, j’avais aussi envie de lui donner un petit côté “Grumpy Cat” ; parce qu’il n’est pas foncièrement méchant, il est surtout vraiment mal luné dans le livre et toujours très grognon.”

 

La statue de Thaena, la déesse de la mort

“Derrière l’autel s’élevait une statue d’un style très différent du reste du temple. Elle était presque aussi haute que la salle elle-même ; aussi, bien que située à l’autre extrémité de la pièce, donnait-elle l’impression de pouvoir m’atteindre rien qu’en tendant la main. Comme tout le reste elle était taillée dans une pierre noire [...]. Sa robe de pierre était intégralement recouverte de feuille d’or.”

Récit de Kihrin, Le Fléau des Rois de Jenn Lyons

 

 

Les dieux du Monde Connu de Kihrin sont bien vivants, et ils foulent la terre aux côté des mortels, ils se cachent parmi eux. Ils sont appelés les Huit Immortels, quatre sont des femmes, quatre des hommes. Parmi eux, il y a les Trois Soeurs, Taja la déesse de la chance, Tya la déesse de la magie et Thaena la déesse de la mort. Il est voué un culte secret et mystérieux à la dernière. Sur une île perdue, une grande statue la représente dans toute sa magnificence, entourée de représentations ophidiennes. Il est dit que des sacrifices humains sont faits en son honneur.  

Hubert Griffe : “Avec la statue de Thaena, ce que je trouvais intéressant c’est que c’est à la fois un lieu et un personnage du livre. C'était, pour moi, une scène un peu majeure du livre, lorsqu’on arrive sur cette île et qu’on découvre ce temple, et je me devais de le représenter. J’aimais également bien l’idée de ce culte de la mort, pas du tout malveillant, plutôt beau et sage même dans son côté sacrificiel. J’aimais également ce côté sévère mais juste de la statue surtout lorsqu’on connaît le vrai tempérament de la divinité.” 

 

Vol Karath, l’enfant de la guerre

“Il était l’obscurité incarnée. D’une noirceur absolue. À l’opposé de la lumière qui coulait par pulsations du toit, pour former la cage où il était suspendu. Comment aurais-je su qu’il possédait des yeux, et à plus forte raison, qu’il les avait ouverts ? Tout ce que je peux dire, c’est que je le savais.”

Récit de Kihrin, Le Fléau des Rois de Jenn Lyons

 

 

S’il est un endroit que personne ne voudrait visiter dans l’univers du Fléau des Rois, c’est la Balafre Korthaen. Dans ce lieu vivent des créatures sauvages et féroces qui protégent les ruines de Kharas Gulgoth. C’est au sein de ces ruines qu’une entité sombre est enfermée, qui pourrait déstabiliser la balance du monde si elle était libérée. C’est Vol Karath, le sans nom, l’enfant de la Guerre . 

 

Hubert Griffe : “J’ai beaucoup aimé l’image mentale que suscitait la scène où on découvre Vol  Karath. De le voir comme cela enfermé dans sa cage de lumière, flottant dans ses ténèbres, je trouvais que c’était très beau. Je ne voulais pas tomber dans le piège de faire une illustration trop lumineuse, ou trop tape à l’oeil. C’est pour ça que j’ai conçu la cage comme des faisceaux lumineux très fins, comme des filaments, qui le retiennent prisonnier.” 

 

Voici donc pour ces six illustrations, ces six pages arrachées au manuscrit de Thurvishar. Hubert a caché quelques easter eggs dans ces pages manuscrites, on compte sur vous pour les dénicher. Si ça vous a donné envie de sauter dans cet univers riche et complexe, Le Fléau des Rois est déjà en librairie et vous pouvez le retrouver en ligne par ICI.

 

Un grand merci à Hubert Griffe pour ces illustrations et pour avoir répondu à nos questions pour cet article. Vous pouvez le retrouver ainsi que ses créations sur ses réseaux sociaux (Tumblr, Twitter, Instagram).

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