En 2009, l’un des maîtres de la science-fiction moderne honorera de sa présence la collection Bragelonne SF. Pour l'occasion, petit coup de projecteur sur l’homme et sur son œuvre.

Neal Stephenson fait partie de ces auteurs qui ont marqué leur génération, et dont chaque nouveau titre est attendu fébrilement comme une hypothétique pierre angulaire au genre. Le lectorat français attend depuis 2004 (sortie de Panique à l’université chez Lunes d’Encre) la parution d’un ouvrage signé de l’auteur… eh bien Bragelonne en proposera prochainement deux !

Le premier n’est autre que le dernier bébé en date de Stephenson, Anathem. Le second est Snow Crash, déjà publié par Robert Laffont puis au Livre de Poche sous le titre Le Samouraï Virtuel.

Puisqu’ils sont les plus à même d’en parler, laissons la parole à Tom Clegg et Jean-Claude Dunyach, directeurs de ladite collection, afin qu’ils nous présentent l’auteur ainsi que ses deux merveilles.


Tom Clegg : « J’étais très excité quand nous avons reçu une première version d'Anathem au printemps dernier. Je suis un fan de Neal Stephenson depuis la parution de Snow Crash en 1992, un grand classique de la mouvance cyberpunk que nous nous apprêtons à rééditer en grand format (et sous son titre original, à la demande du traducteur, Guy Abadia) au mois de février 2009. Puis il y a eu sa vision d’un avenir nanotech dans L’Âge du Diamant (1995) et son histoire secrète de l’ère informatique dans Cryptonomicon (1999). Je me suis aussi laissé séduire, comme beaucoup d’autres, par les méandres de son cycle Baroque (malheureusement non traduit à ce jour) qui présente les dessous de la révolution scientifique en Europe à la fin du XVIIe siècle, entre autres choses…

Dans son nouveau livre, Stephenson effectue un retour vers des thèmes très familiers de la SF, mais avec une approche assez novatrice. Il nous présente un monde entièrement imaginaire, Arbre, avec sa propre trajectoire historique et intellectuelle, mais qui est en quelque sorte parallèle à notre monde - voire un peu en avance. Un des aspects les plus bizarres est qu’on y trouve des institutions semblables à nos monastères, les "concents", sauf que ce ne sont pas des religieux qui y vivent, mais des savants rationalistes. Suite à une série de désastres dont le reste du monde les rend responsables, ces scientifiques peuvent certes se livrer livrer à de la recherche pure dans l'enceinte de leurs communautés, mais ils sont privés de moyens technologiques et on leur a imposé des limites quant à la communication de leurs résultats à la société. En gros, ils ont eu trois mille ans pour développer leurs théories, mais sont dans l’incapacité de leur donner des applications pratiques. Mais lorsque quelque chose de complètement inattendu arrive, la société est obligée de les appeler à l’aide car ils sont les seuls à pouvoir comprendre le phénomène et y faire face.

Je trouve tout ce dispositif fascinant et étrangement attirant. Certes, en commençant la lecture, il faut laisser certaines idées préconçues au vestiaire et apprendre un petit peu de vocabulaire. Mais la plupart des amateurs de Science-fiction et de Fantasy sont déjà habitués à ce genre de déchiffrage et aiment rentrer dans les détails du fonctionnement des mondes imaginaires. Et comme toujours dans le cas de Stephenson, ces précisions ne sont nullement des inventions gratuites et révèlent un vrai système philosophique.

J’ajoute que les personnages principaux sont tous des hommes et des femmes (eh oui, les concents sont mixtes !) très jeunes, des ados à vrai dire, qui au début du récit ne connaissent quasiment rien de leur monde et qui ont les préoccupations typiques de leur âge – s’amuser, tomber amoureux, etc. Ce n’est pas un hasard si certains ont comparé ce roman avec
Le Nom de la Rose d’Umberto Eco. D’autres ont trouvé des points en commun avec La Stratégie Ender d’Orson Scott Card. En tout cas, c’est avec cette bande de jeunes gens qu’on va découvrir, petit à petit, comment les choses marchent dans ce monde, et résoudre la grande énigme qui plane au-dessus de leurs têtes…

On va de révélation en révélation, l’action accélère vivement après les 200 premières pages, tout ce qu’on a cru comprendre est remis en question plusieurs fois, et les effets spéciaux sont époustouflants.
Anathem contient tous les éléments qu’on souhaite trouver dans un roman de science-fiction, mais sous une lumière nouvelle. Ce roman m’a vraiment frappé et je suis convaincu qu’il va marquer les esprits d’autres lecteurs, ici, en France. On attend d’un roman de SF qu’il soit dépaysant pour le grand public. Mais qu’il le soit tout autant pour un lecteur averti en matière de Science-fiction, et même un peu blasé parfois (oui, je l’avoue !), cela relève de l’exploit…

Coté ventes,
Anathem est arrivé à la première place sur la liste des best-sellers du New York Times, tous genres confondus, la semaine du 22 au 28 septembre. Dans les autres classements (Washington Post, Publishers Weekly…), il est numéro 2 ou 3. Ce qui est une performance pour un roman de SF dit "intellectuel". »


Jean-Claude Dunyach : « Impossible de passer après Tom sur ce coup-là, il a déjà tout dit, et fort bien !
Alors je vais parler un peu de
Snow Crash, avec son héros et protagoniste qui s'appelle justement Hiro Protagonist, ce qui est pratique. La grande classe de Stephenson, pour moi, tient en une phrase, à la fin d'un des chapitres.
Explications préliminaires : le bouquin commence par une scène hallucinante de livraison de pizza genre course contre la montre avec Vin Diesel dans le rôle principal et des effets spéciaux à mourir. Un truc totalement gratuit mais jouissif, quasi overdose d'adrénaline. Cinquante pages après, il nous la refait, en encore plus dingue. Puis, encore plus loin, le héros (protagoniste) débarque dans un bar où trois vilains lui cherchent des noises. Il en élimine un, se barre sur sa moto et la scène se conclut par "Après cela, ce n'est plus qu'une scène de poursuite."
Cette phrase, d'une désinvolture admirable, genre "je viens de vous en pondre deux de la mort qui tuent grave, inutile que j'en rajoute, vous voyez l'idée", c'est la classe absolue : minimal, compact, pur.
Et c'est pour ça que Neal Stephenson est grand. »

 

Alléchant n’est-ce pas ?
En résumé, rendez-vous dès février 2009 pour la réédition de Snow Crash… et un plus tard pour la parution d’Anathem.

En attendant, qu’une pluie de commentaires tombe sur cette news… Wink

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